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Triptyque du nombril


Annie

Ils me demandent de tout expliquer par écrit alors je vais le faire. Je ne comprends pas exactement pourquoi je dois raconter ça mais ma mère a tellement insisté.

Mon prénom est Annie. Je ne peux pas donner mon nom de famille, si je le fais, ils le rayeront de la feuille. J'ai eu douze ans et demi la semaine dernière. A mon âge, il paraît que les demis sont importants, c'est pour ça que je précise. Je reviens à ce qui m'a amenée ici. Ce matin lorsque je me suis réveillée, j'avais très mal au ventre. Une sacrée douleur, ma mère a tout de suite vu que ce n'était pas du cinéma pour éviter l'école. Il faut vous dire que je n'aime pas du tout l'école, ils me disent que je ne suis pas assez attentive et que je n'arrête pas de rêver. J'avais trouvé une astuce pour ne pas aller en cours. Je disais à maman que mon ventre était très douloureux. Ça a marché plusieurs fois puis un jour maman s'est rendue compte que je ne prenais pas les médicaments conseillés par le docteur. Elle a compris ma ruse et depuis je vais à l'école même si j'ai mal quelque part.

Donc, ce matin, ma mère m'a emmenée chez le médecin. Il m'a posé des questions comme souvent quand je vais le voir mais il avait un air bizarre. Il paraissait soucieux. Il m'a demandé si j'avais des spasmes ou si la douleur était continue. Je voyais pas bien ce qu'il voulait dire par spasme. Je lui ai dit que je sentais rien pendant dix minutes et puis que ça se remettait à me tirer là-dedans pendant une minute au moins. Là, il a hoché la tête et ma mère l'a questionné sur l'appendicite. Mon petit frère, il l'a eue l'appendicite, l'année dernière. Quand on a ça, il faut aller à l'hôpital pour être soigné sinon on peut mourir. Le médecin lui a dit que ce n'était pas l'appendicite et il m'a dit d'ôter ma culotte. Il s'est renseigné si mon poids n'avait pas varié depuis quelques temps. Maman a répondu que je grandissais en m'arrondissant et que j'avais dû prendre quelques kilos depuis le début de l'année. Il a fini de m'examiner. En se lavant les mains, il m'a demandé de me rhabiller. Il est passé à côté dans son bureau avec ma mère. Ils ont discuté mais j'ai pas bien compris. On aurait dit qu'ils ne voulaient pas que j'entende. Je craignais que ça soit grave. Quand je suis rentrée dans le bureau, le médecin téléphonait à l'hôpital pour les prévenir de mon arrivée. Maman a payé le médecin, elle faisait une drôle de figure. Je suis montée dans la voiture sans l'aide de personne et elle m'a emmenée à l'hôpital.

J'ai reconnu les bâtiments. Nous sommes entrées aux urgences comme la dernière fois avec mon frère Mathieu. Après avoir attendu un long moment, ils nous ont indiqué un bâtiment différent. Forcément, j'avais pas l'appendicite alors je pouvais pas être au même endroit que mon frère. Nous sommes allées à pied dans le bâtiment d'à côté. Franchement je commençais à en avoir marre de marcher. Maman s'est adressée à l'accueil. Elle a rempli des formulaires et répondu à des questions pendant que moi j'attendais pliée en deux dans la salle d'attente. Ils lui ont dit de monter au premier étage. Nous avons pris l'ascenseur. J'ai trouvé que les murs étaient joliment décorés avec des belles photos accrochées partout aux murs. C'est comme ça aussi au troisième étage où est la chambre d'où j'écris en ce moment. C'est très gai par rapport à un service normal. Puis les gens sont jeunes et souvent souriants. Mon frère a eu moins de chance, il était en compagnie de grands pères et de grand mères qui faisaient peine à voir.

Les infirmières se sont immédiatement occupées de moi car mon cas était urgent. Je me suis retrouvée rapidement dans une salle très propre avec une sorte de table d'opération au milieu. J'ai voulu savoir si j'allais être endormie, on m'a dit non, qu'il n'y avait pas le temps. Une des infirmières m'a installée sur la table. J'étais sur le dos avec les jambes maintenues écartées par des trucs faits exprès. Juste après une femme est arrivée en compagnie de ma mère, c'était à coup sûr le médecin. C'est elle qui s'est occupée de tout. Elle m'a tout de suite décrit ce qui allait se passer : j'allais accoucher d'une minute à l'autre. Elle m'a dit que j'étais complète et qu'il fallait encore rompre la poche. Elle a commencé à me mettre les mains dans le ventre et du liquide est sorti. Elle m'a demandé si j'avais envie de pousser, je lui ai dit un peu, parce que je pensais que ça me soulagerait. Elle m'a dit de pousser, d'abord un peu puis de plus en plus fort. Là ça commençait à devenir difficile et elle m'a dit d'arrêter. Ma mère me tenait la main sans rien dire et elle s'est mise à regarder entre mes jambes. J'ai senti en même temps une douleur différente et après ça allait mieux. La médecin est sortie de la pièce en disant à ma mère de rester auprès de moi. Elle est revenue cinq minutes après. Je pensais que tout était terminé mais il fallait encore attendre je ne sais plus quoi. Si! D'être délivrée. Au bout d'un moment, une infirmière m'a raccompagnée dans ma chambre. Ici, il n'y a pas d'autre lit alors je suis toute seule, ma mère est partie remplir des papiers.

J'arrive presque en bas de la feuille et je m'aperçois que je n'ai pas parlé d'Alexis. Alexis, c'est mon copain. Il a quatorze ans et je l'adore. C'est à cause de lui ce qui est arrivé aujourd'hui. Quelquefois, il vient dormir à la maison. Dans ce cas là, je dors dans mon lit et lui sur un matelas dans la chambre d'amis. Maman nous a toujours dit de rester chacun dans notre lit, sinon je risquais de tomber enceinte et que je n'avais pas l'âge. Alexis est à chaque fois resté dans son lit sauf deux fois. Il a profité que ma mère se soit endormie tôt pour venir me rejoindre. Il s'est mis tout nu et m'a déshabillée. Après, il m'a embrassée et caressée partout en m'assurant que nous étions trop jeunes pour avoir des problèmes. C'était agréable alors je n'ai rien dit, je lui ai fait confiance. J'aurais dû écouter maman.

Voilà mon histoire, je ne verrais jamais le bébé, je ne sais même pas si c'est une fille ou un garçon. Maman a décidé de l'abandonner parce qu'elle ne peut pas s'occuper de lui avec son travail et mon frère. C'est dommage, j'aurais bien aimé garder le bébé pour moi. Maman veut pas. En plus, il faut que tout reste secret. Je dirais à Alexis et aux autres que c'était l'appendicite.


Françoise

Si je prends la plume aujourd'hui, c'est pour te raconter une histoire pas banale qui m'est arrivée en début de mois. Depuis, elle me trotte dans la tête. Il m'est difficile d'en parler avec mon entourage. Tu dois, je suppose, rencontrer les mêmes difficultés. Je pense que la charge émotionnelle de notre métier est vraiment difficile à recevoir alors pardonne-moi si je la partage avec toi. Je vais te décrire la scène.

Premier acte, un coup de fil des urgences générales. Je reconnu Alain, l'interne de garde. Il me dit tout à trac "Je t'envoie une femme sur le point d'accoucher, elle est pratiquement à complète, elle a douze ans et demi". Tu te rappelles d'Alain, tu as du le côtoyer du temps où tu officiais chez nous. Il appartient au  genre pince sans rire avec des tendances à déraper du côté du malsain. Pourtant, il ne me donna pas l'impression de plaisanter. Je raccrochai le combiné en me disant que ce genre de blague était quand même limite et pas drôle du tout.

Deuxième acte, dix minutes plus tard, je vis arriver deux femmes : une adulte et une gamine. Je regardai attentivement l'une et l'autre, aucune rondeur significative ne semblait se profiler à l'horizon. Je pensai à une simple visite, forcément. Elles se dirigèrent vers le bureau. Là, à leur tête, je sentis bien que ce n'étaient pas des touristes. Les sales coups, c'est souvent pour ma pomme. Je m'étais déjà occupée d'une IMG¹ particulièrement pénible en début de semaine, je pensais avoir suffisamment donné. Mes deux autres collègues étaient occupées, je n'eus de toute manière pas le choix. La femme la plus âgée s'adressa à moi. Elle venait pour l'accouchement de sa fille. Je ne lui ai pas posé trop de questions. Jeannine, l'aide-soignante, les conduisit dans une salle d'accouchements. Elle choisit la sept, celle au fond du couloir. Cette salle est loin de tout, ce qui a aussi l'avantage d'être isolé du passage. Après un court instant, Jeannine revint vers moi accompagnée de la mère. Sa fille était installée sur la table d'accouchements. Mme C (je ne te donnerai pas bien sûr son identité) était au trente-sixième dessous. Il y avait de quoi. Le matin, sa fille se plaignait d'un mal de ventre, le midi, elle apprenait qu'elle allait échanger son statut de mère contre celui de grand-mère. De quoi être secouée! J'essayai de la calmer. J'appris avec stupeur que sa fille (appelons-la Mlle A.) ne se rendait pas compte de la situation. Posément et avec le plus de tact possible, j'expliquai que  Mlle A. devait savoir et comprendre ce qui allait lui arriver. Mme C. opina du chef, je pense qu'au fond d'elle ça l'arrangeait de ne pas avoir à décider. « Et le bébé? ».  Elle me lança cette phrase du fond du coeur. Je lui demandai s'il elle pensait pouvoir le garder. Sans hésiter, elle me signifia que c'était inenvisageable, qu'elle élevait ses deux enfants seule et qu'un troisième serait impossible à gérer, surtout dans ces circonstances.

Troisième acte : nous nous rendîmes en salle de travail. Là, Mlle A. attendait patiemment qu'on veuille bien s'occuper d'elle. Un rapide examen me permis de me rendre compte de l'imminence de la naissance. Je revois très bien son corps. Elle était déjà mature avec toutefois des restes de rondeurs enfantines. Cependant, il était difficile de croire à une grossesse aboutie,  son ventre ne décrivait qu'une modeste courbe. Je me dis « en plus, c'est un prématuré ». L'enregistrement du RCF² était satisfaisant, ce qui me rassura une peu. Il me restait peu de temps pour préparer la future mère à son accouchement. Je lui expliquai le plus simplement possible le déroulement des opérations. Elle m'écouta attentivement comme si une interrogation écrite allait suivre. J'ignore encore la façon dont elle intégra mes conseils, réalisait-elle un tant soit peu la situation? Elle semblait prête à tout, du moment que la douleur finisse. Je rompis tout d'abord la poche des eaux. Mlle A. ne moufta pas. Elle avait, je crois, une totale confiance en moi. Son col était bien dilaté et le bébé descendait tranquillement. Elle avait envie de pousser. Elle poussa trois fois. Un accouchement idéal comme on n'en rencontre pas tous les jours même chez des femmes plus mûres. Mme C. se tenait au côté de sa fille. Elle observait le  travail avec un regard particulier, un mélange de stupeur, d'incrédulité et d'émotion. Lors de l'expulsion, je pris l'enfant de sorte de l'empêcher de crier. Comme souvent dans ce genre de situation, ce geste fut inutile. Le bébé resta coi, averti je ne sais comment de son destin immédiat. Je coupai le cordon puis j'enveloppai le bébé. Je demandai à la grand-mère de rester auprès de sa fille. Je conduisis le nouveau né au service de réanimation néonatale. Là, je soufflais un peu. Le bébé était de sexe féminin. Mes collègues la prirent en charge. Je pus retourner dans la salle d'accouchement. Le silence y régnait. Mlle A. venait de passer une étape importante dans la vie d'une femme. Elle n'en eu absolument pas conscience. Elle finit par se délivrer. Il était temps car le silence devenait pesant. Je dis à Mme C. de revenir me voir après l'installation de la jeune mère dans sa chambre.

Quatrième acte : je remplissais le dossier d'accouchement sous X. quand Mme C me demanda. Elle voulait revoir sa petite-fille. Nous allâmes en pédiatrie. Le bébé était douillettement installé. Je regardai la fiche. 3.2kg, elle était née à terme. Mme C. la regarda longuement, son déchirement était visible. La petite dormait en ignorant tout du monde et de sa complexité. Elle était belle et je ne pus m'empêcher de me dire que l'adoption serait rapide. Mme C. me questionna sur l'abandon. Elle était déterminée. J'insistai tout de même sur le délai de rétractation. Elle ne voulu rien savoir et comptait tenir secret l'accouchement de sa fille. Je pensai que ce parti-pris était difficile à maintenir sur le long terme. Je gardai cette réflexion pour moi.
Alors que je ne m'y attendais pas, Mme C m'asséna le coup de grâce. Je voyais bien qu'elle me regardait d'une étrange façon depuis quelques minutes. Elle me soutint que je la connaissais de longue date. Je l'avais rencontrée huit ans plus tôt, lors de la venue au monde de son deuxième enfant.

Tu sais à peu près tout de cette journée de garde un peu particulière. J'oubliais, j'ai eu le privilège de donner un prénom au bébé. J'ai choisi « Agathe ». Zut, encore un prénom que je ne pourrais jamais plus utiliser pour mes propres enfants.

A toi, chaleureusement,

Françoise

¹IMG : interruption médicale de grossesse (Retour)
²RCF : rythme cardiaque fœtal (Retour)


Christiane

Il est rare que je prenne la peine de t'écrire, c'est trop souvent pour des questions pratiques. Cette fois, c'est différent. Le sujet est délicat et j'ai longuement hésité à t'en parler. Finalement, je prends le risque de te mettre au courant. Ça concerne notre fille. Rassures-toi, tout va bien, elle se porte étonnamment bien même.

Je ne sais pas trop comment aborder le sujet. Te souviens-tu d'Alexis, le petit ami d'Annie? Quand tu es parti en vacances dans le sud, l'été dernier, elle t'a demandé s'il pouvait vous rejoindre une semaine. Tu avais refusé en prétextant que ta fille était trop jeune pour sortir avec un garçon. Depuis notre divorce, je critique volontiers tes choix en matière d'éducation. Cette fois, je dois reconnaître que les faits te donnent raison. Ta fille a grandi, tu l'as constaté comme moi. J'ai pour ma part autorisé plusieurs fois son copain à venir à la maison. De temps en temps il restait dormir le week-end, ça m'évitait de faire des allers et retours inutiles pour le ramener chez lui. Je n'étais pas complètement naïve en acceptant qu'un garçon vienne passer la nuit sous notre toit. Connaissant ta formule pour les questions délicates, le fameux « demande à ta mère », je me suis chargée de leur faire un peu d'éducation sexuelle. Je leur ai dit que s'ils voulaient un jour dormir ensemble, il fallait d'abord  m'en parler. Je leur ai expliqué le pourquoi du comment de la contraception. Ils m'ont écouté avec attention, ils m'ont même posé des questions. Je pensais avoir fait le maximum en matière de prévention. Alexis avait l'air d'être un adolescent raisonnable et réfléchi. J'avais toute les raisons d'être confiante. En plus, il dormait dans la chambre d'amis, il lui fallait passer devant ma porte pour rejoindre notre fille. Je n'ai jamais pensé qu'il oserait prendre un tel risque.

Tu dois bien t'en douter, ils l'ont fait! Ils l'ont fait! Je ne me suis rendue compte de rien! Je suis désappointée car non seulement ils n'ont pas respecté mon autorité mais en plus ils n'ont pris aucune précaution. Qu'ont-ils dans la tête? Ta fille me soutient qu'ils ont fait l'amour seulement deux fois. Je ne sais pas si elle dit la vérité, je ne peux plus avoir confiance en elle maintenant. Le pire, c'est qu'elle s'est retrouvée enceinte et je n'ai rien vu, tu m'entends, je n'ai rien vu!

Je suis désolée de t'apprendre tout cela par écrit mais te le dire de vive voix est au dessus de mes forces. Je pensais au départ ne partager ce secret qu'avec Annie mais c'est trop lourd à porter. Je te disais ne rien avoir vu de la grossesse de ta fille. C'est vrai au delà de l'imaginable. Elle s'est réveillée un matin avec un violent mal de ventre, je l'ai emmenée chez le médecin en pensant à l'appendicite. Le docteur l'a examinée puis il m'a prise à part dans son cabinet. Il m'a dit « votre fille est enceinte et va accoucher rapidement, il serait bon de l'emmener à la maternité immédiatement ». Il m'a demandé s'il fallait faire venir une ambulance, je lui ai dit que j'emmènerai moi-même Annie. Il a pris son téléphone et a averti la maternité de notre venue. Lorsque je lui ai réglé ses honoraires, il m'a regardée comme si j'étais un monstre. C'est vrai, je devais avoir l'air complètement indifférente à la nouvelle. J'étais comme hébétée. À tel point que je me suis dirigée vers les urgences générales au lieu d'aller à la maternité. Je refusais ce qui était en train de se passer. Nous avons poireauté un quart d'heures aux urgences avant qu'ils ne nous dirigent vers le service de gynécologie-obstétrique. A l'accueil, ils étaient déjà au courant de notre venue et nous attendaient. Ils sont restés très neutres, je ne me suis pas sentie jugée.

Ça m'a fait drôle de me retrouver dans une salle d'accouchements huit ans après la naissance de Mathieu. Te rappelles-tu comment étaient les lieux? Tu ne reconnaîtrais rien. Ils ont agrandi les bâtiments et réaménagé toutes les salles. C'est neuf, c'est plus moderne mais au fond ça reste la même chose. Ta fille s'est comportée en femme. Elle a accouché exactement comme moi, très rapidement sans broncher. Au point que j'ai eu la désagréable impression de me voir mettre au monde Mathieu un seconde fois. Ce sentiment vient certainement de la sage femme, c'est la même qui m'avait suivi lors de mon dernier accouchement. Ça l'a remuée. Elle s'est prise un coup de vieux. Remarque, elle n'est pas la seule, je me retrouve quand même grand mère à 34 ans.
Tu dois te poser des questions au sujet du bébé. Annie ne l'a pas vu et ne le verra jamais. D'ailleurs, il ne l'intéresse pas. J'ai décidé de l'abandonner et ne m'en veut pas d'avoir décidé unilatéralement, il fallait agir vite. Au fait, c'est une fille. Elle est très jolie. La sage femme m'a assuré qu'elle serait placée dans un famille rapidement. Il paraît que des tas de parents n'adoptent pas en France faute d'enfants disponibles.

A présent, tu es au courant de ce qui est arrivé à ta fille. J'espère que tu ne me jugeras pas trop sévèrement et que tu ne remettra pas en question la garde des enfants. Je compte sur toi pour garder secrète cette affaire. Elle ne regarde que nous et ta fille. D'ailleurs Alexis ne saura jamais rien de sa paternité. Conformément à ma demande, Annie l'a congédié. De toute façon, elle lui en veut d'avoir mentit sur les risques qu'ils prenaient en faisant l'amour. Elle est consciente de la gravité de sa faute. Par contre, j'ai bien peur qu'elle ne perçoive pas encore la signification de l'abandon. Plus tard, il est probable qu'elle tentera de retrouver son enfant. J'ai mis suffisamment de détails dans le dossier  pour que ces retrouvailles soient possibles. Néanmoins, il lui reste encore bien du chemin à parcourir avant sa majorité, elle n'a pas encore treize ans. A cet âge là, je ne pensais qu'à jouer avec mes poupées.

Au fait, Annie est sensée avoir fait un séjour à l'hôpital pour des problèmes de kyste à l'ovaire. C'est la sage femme qui m'a suggéré cela. Je pensais au départ utiliser l'appendicite comme prétexte mais le corps de notre fille est indemne de toute cicatrice, ils auraient pu s'interroger à l'école. Il serait de bon ton que nous nous accordions sur la version officielle des évènements.
Tu sais, aujourd'hui plus que jamais, je me demande ce que nous avons fait pour en arriver là. Je pensais avoir tout essayé pour garder notre couple. Je pensais avoir élevé ma fille en lui donnant les outils pour qu'elle devienne une adulte responsable et épanouie. Tu vois le résultat, c'est l'échec le plus complet. Si tu y comprends quelque chose, je t'en prie, explique moi. Il reste encore notre fils à élever. Crois-tu encore en l'avenir de Mathieu? Moi, j'avoue ne plus très bien savoir de quoi demain sera fait.

En espérant que tu ne trahiras pas notre pacte,

Ton ex,

Christiane

Tous droits réservés TheGrou - décembre 2004

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