Les russkoffs (1979)
Editions Albin Michel / Le Livre de Poche
Pour paraphraser la préface, les Russkoffs c'est la petite
histoire autobiographique d'un pauvre con qui se fait happer par la
grande Histoire.
Cavanna a seize ans en 1939. Ses années
de jeunesse se sont égrenées au coeur de la seconde
guerre mondiale. Dans ce roman, il nous raconte sa vision de ces
années de guerre : le quotidien, les petits riens,
l'importance d'un vélo, la beauté des filles, ses
premiers morts lors des attaques aériennes, le STO en
Allemagne, la faim encore et encore et l'amour.
C'est
véritablement le jeune François qui s'exprime dans cet
ouvrage publié presque quarante ans après les faits.
Lorsque la guerre arrive sur le territoire Français, il se
retrouve sur les routes avec le flot des réfugiés.
C'est un civil jusqu'au trognon, les armes ça le répugne.
Il n'est décidément pas en phase avec son époque
et il le gueulera parfois . Il vivra ces années en spectateur
attentif, toujours prompt à relever les comportements de ses
contemporains. Réquisitionné pour le Service du Travail
Obligatoire en Allemagne, il deviendra un tire-au-flanc de
première
malgré les risques encourus. Ne voyez surtout pas en cela une
action patriotique. Cavanna n'aimait pas qu'on le force, c'est tout.
Il dira à ses compatriotes « Écoutez. Moi on m'a
pris de force, on m'a jeté là, je suis au bagne, je
crève de faim, je renâcle. Il n'y a que deux choses qui
m'intéressent : ramener ma peau, ne tuer personne si
possible. ».
Ce roman évoque 39-45 sous l'angle
des victimes. Le déchaînement de la folie humaine
institutionnelle polluait les comportements les plus anodins. La faim
et la peur bousculaient les caractères les plus trempés.
Présent à chaque page, le regard candide du jeune homme
permet au lecteur de rester impartial devant ce témoignage
implacable. L'Homme n'est pas fait pour la guerre et ce livre le
démontre avec force. Le style limpide teinté d'argot en
sert parfaitement le propos. Et pour nous sauver de la grisaille
d'alors, l'amour éclaire le roman d'une couverture à
l'autre, presque aussi fort que tous les
conflits
mondiaux.