Anny Duperey est connue du grand public
à travers son métier de comédienne. A
l'évocation de son nom, une image mentale se forme, celle d'une
femme arborant un magnifique sourire. La façade est parfois
trompeuse, elle peut cacher une fissure profonde, une fragilité
des fondations, une faiblesse de l'édifice tout entier.
Le voile noir (1992)
Éditions du Seuil
Ce
livre est un témoignage autobiographique très fort. C'est
un cri de douleur et de libération.
En photographie, si une
lumière parasite vient perturber le tirage des clichés,
un voile se forme. Pour peu que la perturbation soit forte, le voile
sera complètement noir et masquera tous les détails de
l'image. Anny Duperey souffre de la maladie du voile noir. Lorsqu'elle
était enfant, son développement fut complètement
bouleversé par la mort brutale de ses parents. Pour supporter
l'insupportable, la petite Anny a recouvert son petit passé d'un
masque opaque. Une sorte de négation de l'enfance. Puis Anny
a grandi. La stratégie de l'évitement laissait entrevoir
quelques faiblesses. Un jour, il lui faudrait regarder sa vie en face
et lever enfin le voile. C'est ce qu'elle a fait à travers ce
témoignage.
L'écriture peut être une
thérapeutique, ce livre en est l'illustration. Anny Duperey a
utilisé le papier pour soigner cette douleur. Avec impudeur,
elle nous livre ses doutes, ses rages, ses chagrins, son univers. On
peut comprendre le cheminement de sa pensée en suivant son
stylo. Le voile va-t-il disparaître? La douleur va-t-elle cesser?
Rien n'est moins sûr et l'interrogation persiste à la fin de
l'ouvrage. Pourtant, on est heureux d'avoir reçu tant de
confidences. La construction du récit s'articule autour des photos du
père d'Anny. Chaque image fait surgir des questions et parfois
des souvenirs. Chaque souvenir est analysé avec finesse. Ce qui
aurait pu n'être qu'une succession d'anecdotes prend alors
une autre dimension. Les actes anodins ont souvent une portée plus large
que ce qu'ils laissent paraître et c'est ce que parvient a nous
révéler l'auteur.
Lucien Legras, photographe inconnu (1993)
Éditions du Seuil
Ceux qui sont sensibles à la photographie en noir et blanc
trouveront dans ce recueil le témoignage artistique
posthume de Lucien Legras ainsi qu'une petite partie des
photos du Voile Noir. Lucien Legras aimait les figures
géométriques, les textures, l'eau et l'hiver. Cet ouvrage est le
fruit du travail d'archive des filles de l'artiste, Anny Duperey et Patricia
Legras.
Les chats de hasard (1999)
Éditions du Seuil
Le chat de hasard, c'est celui qu'on n'a pas choisi. Il entre dans votre
vie un beau jour et adopte le lieu et ses habitants.
Plus d'un lustre après l'écriture du Voile Noir, Anny
Duperey revient sur l'exploration de sa vie en suivant les pistes
tracées par ses chats. Même si le drame de son enfance
reste présent en filigrane, le récit n'est plus rempli de
douleur, il respire la sérénité. La relation
très particulière qui s'établit entre l'auteur et
l'animal est décrite, décryptée. Les anecdotes
sont nombreuses et souvent amusantes. Par exemple, on apprendra comment
le Voile Noir est né de l'influence des chats. Ceux qui ne
côtoient pas la gent féline (ou le monde animal plus
généralement) pourront s'interroger sur l'état
mental de l'auteur. Les autres et plus particulièrement ceux qui
sont familiers des chats de hasard, apprécieront l'acuité
de l'analyse. Ils se reconnaîtront sûrement dans l'une ou
l'autre des situations. Au passage, l'écrivain nous
révèle quelques détails du processus de
création de son précédent ouvrage.
Une Soirée (2005)
Éditions du Seuil
Nos
existences sont de drôles de passages. De temps en temps, nous
pouvons exercer nos propres arbitrages mais les
événements choisissent fréquemment à notre
place.
Ce roman ausculte une tranche de vie de trois personnes
extrêmement liées. Denis et Romain sont amis de longue
date. A l’époque de la jeunesse, Florence arrive et transforme
le duo en trio. Lorsque l’amour s’invite dans le groupe, tout se
complique, surtout quand Florence s’aperçoit que ses sentiments
pour l’un sont aussi forts que pour l’autre. Le ménage à
trois est une utopie qui ne peut durer et impose un choix. Dix huit ans
plus tard, à l’âge de la maturité, les trois
personnages sont à nouveau réunis lors d’une
soirée. Cette occasion de retrouvailles est celle de tous les
dangers. Elle sonne l’heure des bilans. Que va-t-il se passer ? Anny
Duperey nous donne sa vision de ces destins croisés. Le roman
fait la part belle à l’introspection. On se place successivement
dans la peau des trois protagonistes. Peu à peu, on ressent
l’état d’esprit de chacun. L’entremêlement des
destins finit par dévoiler des vérités
premières : certains font des choix, d’autres les acceptent ou
les subissent.
Le roman se lit rapidement, le style simple coule limpidement. Le
déroulement de l’histoire est peut-être un peu trop
prévisible mais on aime parfois être conforté dans
ses intuitions.